CHER AGENT VERBALISATEUR N°000 


Cher agent verbalisateur N°000, fier représentant des forces de l’ordre.

Ma petite retraite et moi sommes bouleversés de l’attention toute particulière dont vous avez fait preuve à l’égard de notre santé. Des collègues à vous, moins scrupuleux, auraient pu manquer de zèle en la matière. Vous n’avez pas failli à votre mission et je vous en félicite. En effet, au moyen d’une contravention de 135€ soit 27€ du kilomètre excédentaire ou de 90€ si je la règle dans un délai de 15 jours, vous avez attiré mon attention sur l’extrême imprudence dont j’ai fait preuve ce maudit 2 août 2010 à 15H10 alors que, soucieux de ménager ma petite retraite, j’étais allé « faire les soldes ».

Je rentrai donc, fier de pouvoir annoncer à ma petite retraite que j’avais acheté un pantalon 5€. Grisé par cette aubaine, je commis alors un impardonnable forfait puisque je roulai à 55km par heure sur une route où la vitesse est limitée à 50km par heure. Cause indirecte de ce crime, le pantalon me revint donc à 95€. Bien fait pour moi ! Vous m’annoncez aussi que cette intolérable infraction entraine un retrait de points du permis de conduire sans préciser cependant combien de points y seront soustraits. Cette précision me serait cependant très utile. Je pense que 10 points de retrait serait une juste sentence.

Ce rappel salutaire que je vous dois nous touche au cœur, ma petite retraite et moi. J’espère que, grâce à moi, vous obtiendrez ce mois-ci votre prime à la contravention. Croyez bien que désormais nous seront vigilants, attentifs à respecter en tous points toutes ces lois salutaires qui garantissent notre sécurité et qu’un gouvernement généreux prodigue sans compter dans tous les domaines.

​En citoyen exemplaire, je me permets de dénoncer quelques mauvais esprits de mes relations (comme mon voisin) qui prétendent qu’il est beaucoup plus dangereux de conduire les yeux rivés sur le compteur – condition sine qua none pour respecter cette limitation à bord d’un véhicule moderne, selon eux – que de conduire à 55km par heure en regardant la route. Les mêmes mauvais esprits affirment que la limitation de vitesse à 30km par heure qui régit la rue où j’habite est impossible à respecter et tout à fait inutile, sous prétexte que la dite rue est uniformément rectiligne et plate, qu’elle est en sens unique et ne compte qu’une intersection – unilatérale – en son milieu, intersection pourvue d’un panneau stop. Certes elle mesure 1km et la vision y est tellement dégagée que, sauf épais brouillard, on peut voir d’une extrémité à l’autre, pourtant si les autorités ont jugé qu’il était nécessaire d’y limiter la vitesse à 30km par heure, elles ont forcément raison car les autorités ont toujours raison. Les ci-devant mauvais esprits évoqués (dont je ne manquerai pas de vous communiquer les noms) prétendent aussi que le législateur qui a abaissé la limitation de vitesse de 60km par heure à 50km par heure en ville l’a fait parce que, s’il est naturel de rouler à 60km par heure en ville, il est très difficile de rouler à 50km par heure ou moins.
Je salue quant à moi le génie de ce législateur même si les très-très mauvais esprits dont je vous joins la liste affirment qu’il a pour ami le fabricant et exploitant exclusif des radars du pays. J’en ai même entendu un qui disait que le passage à l’euro en matière de contravention s’est fait sans conversion autre que le changement de sigle (€ en place de F) – sans autre forme de procès, allais-je dire. Pour ma part je m’insurge contre tant de médisance et de mauvaise foi et je m’évertue à respecter scrupuleusement les limitations de vitesse. Il se trouve que, ce maudit 2 août 2010 à 15H10, j’ai eu la sottise de lever les yeux du compteur pour regarder la route ; croyez-bien que ma petite retraite, mon permis de conduire et moi nous en repentons fermement. Désormais nous ne conduirons plus que les yeux fixés sur cette aiguille rebelle qui, profitant de la moindre inattention de notre part, se permet de dépasser de 5km la vitesse requise.

​Heureusement le corps d’élite auquel vous appartenez se montre toujours vigilant, animé d’un zèle magnifique ! Que dire de vos collègues qui verbalisent sans état d’âme pernicieux les conducteurs indisciplinés qui se permettent de fumer en conduisant, mettant ainsi en péril tous les automobilistes qu’ils croisent. D’aucun se permettent même de se gratter la tête en conduisant ! Quel manque de civisme !

Quant à moi je remercie le ciel de m’avoir fait naître en ce beau pays où les autorités se montrent si attentives à la sécurité et au bien être des citoyens !
Quand je pense que le peuple irresponsable d’une des plus grandes nations de la planète a élu un président noir ! Pourquoi pas un juif, un musulman ou un homosexuel tant qu’on y est ! Au moins notre bon président est bien blanc lui ! Petit, mais blanc. Quand je pense que certains s’offusquent du démantèlement répétitif des camps de « Roms » et de « gens du voyage » ! C’est pourtant bien une œuvre de salubrité publique, non ? Les premiers ne sont même pas français et veulent manger notre pain ! Quant aux seconds, comme chacun sait, ce sont de dangereux voleurs qui viennent jusque dans nos bras violer nos filles et nos compagnes !

Que dire aussi de ces odieux humoristes qui se gaussent de notre bien aimé président, voire de sa charmante épouse qui, disent-ils, ne saurait pas chanter. Quelle mauvaise foi ! Une belle femme comme ça, si photogénique, que ça fait des si belles photos de couple dans les journaux mondains ! Même, même ! Ces vilaines gens s’en prennent à nos ministres les plus vertueux. Ainsi notre ministre de l’intérieur se met-il en quatre pour raccompagner gratuitement dans leurs pays des étrangers qui n’ont pas les moyens de s’offrir un billet d’avion. Il pousse la sollicitude jusqu’à envoyer vos collègues chercher leurs enfants à l’école et des soit disant humoriste tels Didier Porte ou Stéphane Guillon – pour ne pas les nommer –, vilaines personnes à l’intelligence brillante – donc suspecte – mais dépravée, s’obstinent à s’en moquer. Ils n’épargnent pas non plus le pauvre « ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement Solidaire » et qualifient de traître cet homme intègre, en charge de tant de missions, qui a eu le mérite de renier ses idées erronées pour rentrer dans « le droit chemin ». Quelle ingratitude !

​La véritable intelligence est pernicieuse puisque – paraît-il – elle bannit l’antisémitisme, dénonce le racisme, vilipende l’homophobie, méprise l’intolérance, toutes valeurs exaltées par notre bienveillant ministre de l’intérieur. Comment voulez-vous faire entonner la Marseillaise ou saluer le drapeau tricolore sans arrière pensée à des individus affligés d’une telle tare que constitue l’excès d’intelligence puisque ceux là ne croient pas même aux valeurs de notre sublime identité nationale ! Les gens intelligents sont bien la plaie de notre pays ! Tant qu’ils sont formatés par les prestigieuses écoles que sont l’ENA, Polytechnique et quelques autres, tout va bien ; alors ils pensent droit et aucune idée pernicieuse ne vient germer dans leurs cerveaux calibrés. L’intelligence qui « ne dépasse pas » est tolérable, voire utile pour diriger le peuple dans la bonne voie afin qu’il marche droit. L’intelligence indisciplinée est nocive. Ne devrait-on pas interner à vie Didier Porte, Stéphane Guillon et Guy Bedos afin qu’ils cessent de nuire ? Heureusement les directeurs de Radio France et France Inter – cette radio pourtant gauchisante qui se permet de ne pas penser correctement – se sont débarrassé des deux premiers malfaisants cités. Heureusement encore, l’un des plus grands quotidiens de la presse écrite et l’une des chaîne de télévision les plus regardées parce qu’elle ne présente que des émissions à grande porté culturelle – telles  ces « téléréalité » si captivantes et pleines de finesse – se montrent zélés supporters de notre hyper président qui en a bien besoin, le pauvre, si critiqué sous l’odieux prétexte qu’il raffole du luxe, recrute le plus souvent ses amis parmi les milliardaires et se contente de gesticuler et d’invectiver plutôt que de gouverner. Pure calomnie ! N’est-il pas à l’origine d’une multitude de lois que le conseil constitutionnel, jaloux de sa fécondité en la matière, ne fait rien que « retoquer » ? Mais qu’on le laisse vivre en paix le pauvre, qu’on le laisse suggérer une nouvelle loi chaque jour que dieu fait puisque c’est là sa façon de s’affirmer ! Déjà qu’il se sacrifie pour porter aux nues la grandeur de la France. Il avait promis la rupture, en trois ans à peine il a su transformer cette nation qui sombrait dans la tolérance bonasse, la culture superflue et la liberté néfaste en un vigoureux pays où règnent l’intolérance hargneuse, l’inculture notoire et l’oppression zélée. Quel magnifique exemple !

​Excusez cette longue digression mais l’indignation m’anime. Face à tant de vilenie lâchement assénée au sublime pouvoir en place je ne peux que louer la grandeur de notre magnifique président, si viril, si sportif et qui sait si bien faire du vélo.
Je suis fier d’être un « bon français » à l’intelligence raisonnable – médiocre, sans excès pernicieux – comme la majorité de nos concitoyens, donc docile et prêt à approuver sans réserve les toujours excellentes décisions prises par ce merveilleux gouvernement soucieux de ne pas laisser souiller par de vils étrangers notre si belle et si pure identité nationale.

C’est avec une indicible émotion que ma petite retraite, mon permis de conduire et moi vous remercions encore pour la sollicitude dont vous avez fait preuve à notre égard en nous ramenant dans le droit chemin. Vive la France et son merveilleux gouvernement supervisé par ce génial président, le plus abouti de notre cinquième république.

​Veuillez agréer, Monsieur le valeureux agent verbalisateur N°000, zélé représentant des forces de l’ordre, l’expression de ma plus profonde admiration pour la qualité de votre action hautement pédagogique.

​Ps : ci-joint, comme promis (en 150 pages 21 X 29,7 recto-verso) la listes des odieux individus qui se permettent de critiquer la pourtant parfaite gestion du pays effectuée par ce gouvernement de rêve placé sous l’égide grandiose de ce président remarquable, véritable « little big man » moderne.

​ (2 août 2010, sous le règne du mari de la chanteuse)                   

 

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​                                                                        ***